L'Américain Matthew Trevithick a passé 41 jours dans la prison tristement célèbre d'Evin à Téhéran, avant d'être libéré dans le cadre d'un échange de prisonniers entre Téhéran et Washington, le 16 janvier. Quelques heures avant la levée des sanctions internationales contre Téhéran, à la suite de l'accord conclu, en juillet 2015, sur le nucléaire iranien, Matthew Trevithick, ainsi que quatre prisonniers Irano-Américains, ont été libérés contre la libération de sept Iraniens, emprisonnés aux Etats-Unis.
Arrivé en Iran à la mi-septembre 2015, cet étudiant en langue persane à l'université de Téhéran regrette aujourd'hui n'avoir pas vu changer le climat politique à la suite des déclarations du Guide suprême, Ali Khamenei, contre "l'infiltration" des Etats-Unis dans les affaires internes de l'Iran, par le biais des pourparlers nucléaires. Dans un entretien accordé au magazine Time, Matthew Trevithick a raconté son arrestation, ses interrogatoires et son quotidien à Evin.
Alors qu'il se sentait constamment surveillé, l'Américain décide de retourner aux Etats-Unis en décembre 2015. "Vous êtes Matthew?", lui demandent, le 6 décembre, trois hommes descendant d'une voiture en plein centre de Téhéran, alors qu'il s'apprêtait à aller acheter son billet de retour. Quinze minutes plus tard, Matthew Trevithick est à la prison d'Evin, dans le nord de Téhéran, où ont été ou sont toujours détenus journalistes, dissidents politiques, militants des droits de l'homme, avocats et étudiants.
29 jours d'isolement
"Alors Matthiew, pourquoi tu es là ? Qu'est-ce que t'as fait? Connais-tu Jason Rezaian [le correspondant du Washington Post, en prison depuis juillet 2014 et libéré avec Matthiew Trevithick] ?", lui demande son interrogateur au premier jour de sa détention. Le jeune américain est assis face au mur et ne voit pas le visage de son interrogateur. "Tout le monde connaît le reporter du Washington Post", lui répond-t-il. "Il ne partira jamais [d'ici] et toi non plus", rétorque l'interrogateur.
Au dixième jour de son emprisonnement, l'Américain est emmené dans une chambre d'un hôtel cinq étoiles, habillé de ses vêtements habituels, où il rencontre un homme présenté comme le ministre iranien du renseignement - un mensonge. Devant une caméra, les Iraniens voulaient qu'il avoue travailler pour la CIA dans le but de renverser le pouvoir iranien, et qu'il dise "avoir accès aux caches d'armes et à des millions (de dollars) dans des comptes bancaires", raconte aujourd'hui cet Américain qui a refusé de se plier à cette demande.
Au bout du 29ème jour de sa détention, il quitte enfin sa cellule d'isolement et est placé dans une cellule avec deux autres prisonniers. "Il m'a semblé que j'étais dans un bâtiment plein d'intellectuels, de dissidents, d'artistes", explique-t-il.
Gardiens de la révolution
Il n'eut de contact avec les diplomates suisses qu'un mois après son arrestation - l'ambassade suisse représentant les intérêts américains depuis la rupture des relations diplomatiques entre Téhéran et Washington, en 1980, à la suite de la prise d'otages à l'ambassade américaine à Téhéran, en novembre 1979. Les Suisses lui assurent qu'il sera prochainement libéré.
Le 16 janvier, deux heures avant sa libération, les interrogateurs de Matthiew Trevithick essaient de nouveau de lui faire faire des aveux. "C'est ta dernière chance. Pourquoi tu es là ? Dis la vérité", lui lancent ses interrogateurs. Le jeune américain refuse. Ensuite, il est conduit, les yeux bandés, à l'aéroport de Téhéran, où il est obligé de payer ... une amende pour être resté au-delà de son visa.
Même si Matthiew Trevithick ne donne aucun indice quant aux forces à l'origine de son arrestation, le récit avancé par Jason Rezaian, libéré au même moment, laisse penser qu'il s'agit des Gardiens de la révolution. Ces forces conservatrices auraient ainsi tenté de saboter l'application de l'accord nucléaire - un succès pour le président modéré Hassan Rohani- ou pour demander davantage de gages au gouvernement.